Un pacte de « long terme », qui ne résout pas l’urgence

La Voix du Nord 10/12/2011

Le nouveau pacte budgétaire, sans le Royaume-Uni, conclu à Bruxelles, peut-il sauver la zone euro ? L’avis de deux économistes de la région.

 

La zone euro à l’abri ? Pour Vincent Duwicquet, maître de conférence à l’Université de Lille 1, « l’accord trouvé ne met absolument pas à l’abri la zone euro. Instaurer un pacte budgétaire ne règle pas les problèmes de compétitivité qui existent entre les pays de la zone (l’Allemagne est plus compétitive que la Grèce, le Portugal ou la France car les produits allemands sont moins dépendants de leur prix que les produits grecs, portugais ou français). De plus, l’appréciation de l’euro par rapport aux autres monnaies aggrave cette situation de déséquilibre entre le Nord et le Sud de la zone euro ».

Pour Didier Van Petegem, ancien doyen de la Faculté libre de science économique et de gestion de l’Université catholique de Lille, la discipline budgétaire, chère à l’Allemagne, « est une solution de long terme, qui ne résout pas l’urgence du court terme. Car l’Europe souffre de deux choses : le manque de solidarité et le manque de responsabilité. On ne peut faire l’une sans l’autre. Mais la première nécessite le court terme tandis que l’autre se résout dans le long terme ».

> Le « no » anglais, grave de conséquences ? Pour Vincent Duwicquet, le refus anglais « n’est pas problématique dans la mesure où les Anglais ne sont pas dans la zone euro et peuvent mener une politique de change, ce qui n’est pas le cas des autres pays de la zone (la Grèce ou la France ne peuvent pas dévaluer leur monnaie alors que leur balance commerciale est déficitaire). La sortie de crise doit passer par des politiques menées par les pays membres de la zone euro. » Pour Didier Van Petegem, la réaction britannique n’est pas étonnante, la Grande-Bretagne ayant toujours été adepte du « wait and see » (attendre et voir) en matière de politique européenne. « Mais il est clair que les Anglais refusent toute réglementation des marchés financiers, comme le propose Bruxelles, à cause de la City, comme ils refusent tout fédéralisme budgétaire. » Mais si le premier marché financier au monde reste à l’abri de toute réglementation, quelle peut être la portée d’une réforme européenne ? « Les Britanniques doivent cependant faire attention, estime Didier Van Petegem. En s’isolant du reste de l’Europe, ils risquent d’être en première ligne en cas de nouvelle crise. »

> Que reste-t-il à faire ? Pour Vincent Duwicquet, des politiques communautaires doivent être mises en place au niveau de l’ensemble de la zone euro. « Il faut mener une politique de change (dévaluer l’euro), mutualiser les dettes (eurobonds), définir une politique salariale européenne (les salaires allemands devraient plus augmenter que ceux des pays du Sud), et mettre en place des impôts et transferts budgétaires entre les pays afin de redistribuer les revenus du nord (en excédent d’épargne) vers le sud (en déficit d’épargne) . » Pour Didier van Petegem, l’urgence est de « montrer aux marchés financiers qu’une banque centrale forte peut s’engager rapidement. Il faut pour cela que la BCE ait plus de pouvoirs, ce que refuse l’Allemagne, et ce que ne lui permettent pas ses statuts actuels.

Prêter de l’argent au FMI qui le reverse aux États de la zone n’est pour l’instant qu’un chemin de traverse ». •

 

JEAN-MARC PETIT