Charles Michel lance le débat d’automne sur l’élargissement de l’UE

(DE MEYER, Karl – Les Échos, 29/08/2023)

Au forum de Bled, le président du Conseil européen a précisé les contours du dossier qui va occuper les Vingt-Sept dans les prochains mois. Et rappelé l’ampleur du travail à mener, y compris de la part de l’Union elle-même.

Charles Michel a lancé dès ce lundi, au Forum stratégique de Bled (Slovénie), le débat sur l’établissement de l’UE qui va occuper les dirigeants jusqu’à la fin de l’année. Le président du Conseil européen, dans un discours trèsvolontariste, a estimé que l’Union devait être prête à intégrer de nouveaux membres « d’ici 2030 » ajoutant que « si nous voulons être crédibles, nous devons parler de calendrier ».

Cinq pays des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie), l’Ukraine et la Moldavie sont candidats à l’adhésion (la procédure est gelée avec la Turquie). Certains pays de l’ex-Yougoslavie ont entamé des négociations d’adhésion il y a des années, tandis que les Vingt-Sept doivent décider en décembre s’ils ouvrent celles de Kiev et Chisinau.

Ils se fonderont sur un rapport que la Commission européenne doit présenter à l’automne. L’Ukraine et la Moldavie ont obtenu le statut de candidat en juin 2022, quatre mois après le début de l’agression russe. Charles Michel semble juger que la Géorgie, qui n’a pour l’instant qu’une « perspective européenne » obtiendra elle aussi ce statut « quand elle aura accompli les progrès nécessaires ».

État de droit

Charles Michel a certes listé toutes les conditions que les pays candidats doivent remplir pour rejoindre le club, à commencer par le respect des valeurs et de l’État de droit. « C’est évidemment tout en haut des priorités, les candidats doivent être prêts », indique aux « Échos » Laurence Boone, la secrétaire d’État française aux Affaires européennes qui participait au Forum.

Le sujet est devenu tranchant, au niveau européen, alors que la Hongrie et la Pologne, à l’intérieur de l’Union, ont érodé ces dernières années le pluralisme, l’indépendance de la justice et la protection des minorités.

Intégration progressive

Le président du Conseil européen a aussi rappelé la nécessité pour les candidats de s’aligner sur les positions européennes en matière de politique étrangère, alors que la Serbie cultive une complaisance problématique à l’égard de Moscou. L’ancien Premier ministre belge insiste en outre sur la nécessité de surmonter les traumatismes de l’histoire : « il n’y a pas de coopération sans réconciliation ».

Charles Michel soutient une nouvelle approche d’« intégration progressive », déjà évoqué par Emmanuel Macron par exemple, qui permette aux pays candidats de participer à certaines politiques européennes avant d’être membre de plein droit de l’UE.

Prise de décision

Il répète aussi que l’UE ne peut accueillir ces nouveaux États sans réformer ses politiques (politique agricole commune, fonds de cohésion) et ses mécanismes de prise de décision, alors qu’un certain nombre de capitales restent attachées à la règle d’unanimité pour certains sujets. Un groupe de réflexion franco-allemand doit présenter à la mi-septembre ses pistes aux ministres des Affaires étrangères. 

« Mais ce n’est qu’une pièce du puzzle, car d’autres pays ont également réfléchi de leur côté », précise Laurence Boone. Les leaders se saisiront du sujet lors du sommet de Grenade du début octobre et poursuivront leurs discussions ensuite. Un sommet UE-Balkans occidentaux sera adossé au Conseil européen de la mi-décembre.

Sécurité et stabilité

« Intégrer de nouveaux membres dans notre Union ne sera pas facile. Cela affectera nos politiques, nos programmes et leurs budgets. Cela va requérir des réformes politiques, et du courage politique », a souligné le président du Conseil européen.

Pour Laurence Boone, « le processus demandera autant de travail aux pays membres de l’UE qu’aux pays candidats. Mais c’est absolument nécessaire, car on ne peut pas passer à côté de la chance d’assurer la sécurité et la stabilité du continent ».