Imbroglio politico-juridico-linguistique autour du secret des affaires

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Par Renaud Lecadre — 18 mai 2016

Le Parlement européen, à Bruxelles, en novembre. Photo Frederick Florin. AFP

La directive controversée qui limite les dénonciations de dérives internes aux entreprises, constitue un danger pour les lanceurs d’alerte. Son adoption a été reporté de quelques jours à cause d’un problème de traduction.

 

  • Imbroglio politico-juridico-linguistique autour du secret des affaires

L’adoption définitive de la controversée directive européenne sur le secret des affaires bute sur un ultime problème de traduction. Face à la levée de boucliers contre ce texte initialement mitonné par la Commission puis ratifié par le Parlement européen (Libération du 14 avril), en anglais dans le texte, ses rédacteurs avaient inclus dans la dernière ligne droite une clause exonérant les lanceurs d’alertes, salariés de multinationales susceptibles de dénoncer divers scandales ou dysfonctionnements internes. Comme vient de le pointer l’Agence Europe, très au fait du microcosme bruxellois, le terme wrongdoing fait donc débat, au moment de le traduire en 27 autres langues.

Les juristes et/ou linguistes du Parlement européen avaient eux-mêmes tourné autour, hésitant à le traduire en «faute», «malversation» ou en une acceptation très large du terme, avant de s’en tenir à une définition bien plus restrictive, du moins au plan de la morale publique : «comportement inapproprié». En caricaturant à peine, les lanceurs d’alertes pourraient dénoncer un harcèlement au bureau mais pas un détournement de fonds. Cet imbroglio politico-juridico-linguistique a entraîné le report du 17 au 25 mai de la ratification de la directive.

A titre plus particulier, mais non accessoire, la Lettonie a soulevé un autre pataquès de traduction, toujours selon l’Agence Europe, à propos du terme «business», qui peut se traduire localement en darijumdarbiba ou, nuance, uznemejdarbiba. Le gouvernement de Riga milite pour la deuxième acception du terme, «qui correspond plus précisément à l’activité économique». Merci aux Lettons, gardiens vigilants d’une vision trop large du secret des «affaires».