La Hongrie face à la tentation nationaliste

 

 

 

 

 

Hier, devant l’opéra, une centaine de personnes,
essentiellement âgées, ont apporté leur soutien. PHOTO « LA VOIX »

La Voix du Nord du 12/01/2012

| UNION EUROPÉENNE |

La Commission européenne a menacé hier de sanctions la Hongrie. Pas à propos des dérives antidémocratiques de la nouvelle constitution, voulue par le Premier ministreViktor Orban et le parti au pouvoir, le Fidesz, mais sur son « déficit budgétaire excessif ». L’UE reste prudente carla tentation du nationalismeest forte en Hongrie.

 

Ils sont une centaine à se serrer devant l’opéra, avenue Andrassy, les Champs-Élysées de Budapest, la capitale hongroise. Des personnes âgées essentiellement. Certaines affichent l’emblème blanc strié de rouge de l’entre-deux-guerres, du gouverneur d’un royaume sans roi, Miklos Horthy, d’un pouvoir fascisant, de la milice des Croix fléchées. Une pancarte clame : « Nemzet a kormany mellet. » La nation soutient le gouvernement. Des militants estampillés Fidesz se font discrets.

Au même endroit, il y a huit jours, plus de 70 000 personnes s’élevaient contre l’avènement de la nouvelle constitution. « Entre les gens qui dénoncent le recul des libertés et ceux qui constatent que leur niveau de vie baisse, les deux mouvements peuvent se rencontrer pour constituer une véritable opposition, espère Gabor Eross, sociologue et conseiller du parti écologiste de gauche LMP. Le taux unique d’imposition (16 %), à la fois antidémocratique et injuste, c’est la loi symbolique capable de nous réunir. » Lajos, 65 ans, fonctionnaire retraité, ne l’entend pas de cette oreille, même un peu dure : « Nous avons un gouvernement qui défend vraiment le pays, combat le retour des communistes, la dictature de l’Europe. Plus que jamais, il a besoin de notre soutien. » La double nationalité accordée aux Magyars des pays voisins (le traité de paix du Trianon en 1920 a privé la Hongrie des deux tiers de son territoire), la baisse des aides sociales qui vise principalement la minorité rom, la suppression du mot république devant le nom de la Hongrie, la responsabilité rétroactive des crimes communistes aux dirigeants de l’actuel parti socialiste MSP… Toutes les ficelles nationalistes et populistes sont bonnes pour cacher la misère de la situation financière, en discussion ces jours-ci à Bruxelles (lire ci-contre) et au Fonds monétaire international (FMI) à Washington.

La Hongrie, sur les décombres des errements socialistes du MSP, s’est offert un pouvoir autoritaire. Pour le moins. « Orban est vice-président du parti populaire européen, note Gabor Eross. Son modèle était Sarkozy et encore plus, Berlusconi. Maintenant, il est au-delà, dans le poutinisme. » Comme hier, l’Union européenne ne s’alarme officiellement que de la dérive financière (budget en déficit de 6,5 % du PIB). Des lettres de mise en demeure sur l’indépendance de la Banque centrale, le statut des juges et la protection des données pourraient aussi partir de Bruxelles la semaine prochaine.

Cette prudence de Sioux s’explique par l’histoire, rappelle Gyorgy Bolgar, rédacteur en chef de Klubradio (lire ci-dessous) : « L’Europe fait très attention de ne pas mettre trop de pression sur Orban de peur que le nationalisme ne monte trop. La Hongrie est le pays le plus dangereux sur cet aspect. L’esprit des Hongrois reste à notre grandeur de la fin du XIXe siècle. » Le 15 mars dernier, jour de fête nationale, le ministre-président n’a pas hésité à agiter le chiffon rouge : « Rien ne nous sera dicté par Bruxelles, comme de Vienne et de Moscou par le passé. Nous sommes libres ! » L’histoire, toujours l’histoire.

« Orban n’est plusce qu’il était »

Le Premier ministre Viktor Orban est un drôle d’oiseau, mais c’est aussi un malin. Il cherche désormais à amadouer le FMI pour obtenir un prêt de vingt milliards d’euros et éviter la faillite. « Après la Grèce et l’Italie, Orban se raisonne pour éviter un scénario de chute de son gouvernement », croit comprendre Gabor Eross avec un sourire : « Il n’est plus ce qu’il était. » Pas un secteur n’échappe aux griffes des lions d’or du Fidesz. Le dialogue syndicat-gouvernement est rompu. Prière de s’adresser directement aux entreprises, souvent étrangères, toutes-puissantes. Tamas Szekely, président du syndicat de l’industrie chimique, se désole : « Viktor Orban a dit hier au Parlement : « Je suis syndicaliste puisque je défends les travailleurs. » L’exemple hongrois est dangereux. »