La Hongrie de Viktor Orban dérive vers la crise et l’inconnu

La banque nationale est soumise elle aussi à la stratégie
financière du Premier ministre et de son parti. PHOTO AFP
La Voix du Nord du 11/01/2012

Depuis le 1er janvier et l’entrée en vigueur d’une nouvelle constitution aux relents populistes et nationalistes, la Hongrie envoie des signaux désagréables. Le Premier ministre Viktor Orban et son parti, le Fidesz, imposent leurs vues, forts de la majoritédes deux tiers des siègesau Parlement acquise en 2010. Mais pour l’heure, l’Union européenne et le Fonds monétaire international semblent surtout inquietsdes dérives budgétaires et financières…

 

La chute du forint, la monnaie hongroise, de 20 % lors des trois derniers mois, les négociations avec le FMI des conditions d’un prêt de 20 milliards d’euros, la « procédure de dette excessive » de l’UE (140 milliards d’euros) et la fin de l’indépendance de la banque centrale monopolisent l’attention à l’étranger. Comme la Grèce ou le Portugal, mais cette fois hors de la zone euro, la Hongrie menace le précaire équilibre européen.

Ce sont ces sujets qui sont examinés cette semaine par la Commission européenne et le FMI. Les potentielles dérives antidémocratiques attendront patiemment leur tour.

Pourtant, la mainmise de Fidesz sur le pouvoir hongrois doit se concevoir comme un tout. Quand les adjoints du gouverneur de la banque centrale hongroise sont nommés par le Premier ministre, selon la nouvelle constitution, il faut lire que le gouvernement entend se servir dans les caisses. « C’est ça l’enjeu. C’est le seul trésor qui nous reste », observe Gabor Eross, conseiller parlementaire du petit parti écologiste d’opposition LMP (Lehet mas a politika, Une autre politique est possible).

Noyautage

Ce type d’exemples s’étend à tous les domaines de la société. Économie, budget, Justice, police, armée, médias, les hommes du Fidesz sont en place pour longtemps (neuf voire douze ans). À tel point qu’un changement de majorité lors des prochaines législatives en 2014 ne pourrait probablement pas modifier la structure profonde de l’État et du pays. Zoltan Kovacs, le secrétaire d’État à la Communication, dépêché pour faire face à la presse étrangère, résume avec superbe : « La nouvelle constitution sert à se débarrasser des derniers vestiges du communisme. » Le (gros) mot est lâché. La constitution rend ainsi responsable des crimes communistes commis jusqu’en 1989 les dirigeants de l’actuel parti socialiste (MSP) ! La suppression du mot république devant le nom de la Hongrie ou l’octroi de la double nationalité aux centaines de milliers de Magyars vivant dans des pays voisins (surtout en Transylvanie slovaque) attisent le nationalisme et le souvenir oublié du royaume et de la « Grande Hongrie ». Pour masquer une crise économique profonde, c’est le moyen de défense idéal.

Sondages favorables

Pour l’instant, les sondages restent plutôt favorables à Viktor Orban, le Premier ministre de 48 ans. Mais un nouveau mouvement d’opposition s’éveille. Il dénonce l’« Orbanistan », le pouvoir de « Viktor Ier ». Lundi 2 janvier, face à l’opéra de Budapest, où se tenait une cérémonie pour célébrer l’avènement de la nouvelle constitution, plus de 70 000 personnes ont manifesté leur hostilité.

Une grande première qui essaime doucement dans le pays.

Plus sûrement que les grands idéaux, les douleurs de la vie quotidienne font grincer les dents des Hongrois. En un an, en raison de la chute du forint, le prix de l’essence a augmenté de plus de 30 %. Les salaires baissent tandis que la TVA augmente (de 25 à 27 %). Et la loi, dite de « stabilité financière », impose un taux unique d’imposition de 16 %, qui favorise outrageusement les classes supérieures. Seul ce genre de mesures impopulaires pourra mettre en danger un jour le pouvoir de Viktor Orban.