Royaume-Uni : inflation à 3%, prévisions de croissance en baisse, mais sinon tout va bien

BREXIT

17 octobre 2017

Une simple accolade entre Theresa May et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne suffit à relancer les spéculations sur les suites du Brexit. AFP

Outre les indicateurs au rouge, l’OCDE met en garde contre l’impact négatif du Brexit sur l’économie britannique, tout en suggérant qu’une annulation de la sortie de l’UE pourrait inverser la tendance.

  • Royaume-Uni : inflation à 3%, prévisions de croissance en baisse, mais sinon tout va bien

Faut-il s’inquiéter lorsqu’une simple accolade d’après dîner entre Theresa May et Jean-Claude Juncker est interprétée outre-Manche comme un signe positif pour les négociations sur le Brexit ? Ou lorsque David Davis reconnaît candidement devant les députés de la Chambre des Communes que le «maintien de l’option (de sortie de l’UE, ndlr) sans accord est une simple posture utilisée pour des raisons de négociations» ? A croire que le ministre britannique en charge du Brexit a oublié que les débats parlementaires sont filmés en direct et que, au-delà des rivages britanniques, certains maîtrisent assez bien la langue de Shakespeare.

Faut-il lever le sourcil lorsque des mots tabous depuis le 23 juin 2016, jour du référendum sur le Brexit, font soudain surface ? Second référendum, révocation de l’article 50, non-Brexit, voici qu’ouvertement, dans les dîners et les débats en ville, on ose aborder ces questions.

Le gouvernement de Theresa May continue évidemment à affirmer qu’il remplira sa mission de «réussir le Brexit» en faveur duquel les Britanniques ont voté. Mais voilà que les faits, concrets et sans détours – des chiffres en fait -, se glissent dans l’équation. L’inflation au Royaume-Uni a atteint 3% en septembre, son plus haut niveau depuis cinq ans. La tendance à la hausse, affichée depuis des mois, devrait se poursuivre pendant au moins les deux prochains mois, a prévenu Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre. Cette hausse est générée en partie par la baisse de la livre sterling depuis le vote en faveur du Brexit.

Concrètement, l’inflation signifie que les prix à la consommation sont en hausse et que faire ses courses au Royaume-Uni coûte donc de plus en plus cher. Les retraités, dont les pensions sont ajustées sur les chiffres d’inflation du mois de septembre, seront les heureux bénéficiaires d’une hausse de leurs versements mensuels. En revanche, les personnes en âge de travailler et qui touchent des allocations, actuellement gelées, et les employés des secteurs publics, où la hausse des salaires est plafonnée à 1%, y perdront nettement. La hausse de l’inflation pourrait également pousser la Banque d’Angleterre à augmenter les taux d’intérêt, actuellement fixés à 0,25%, dès le mois prochain.

Ces chiffres interviennent une semaine après les prévisions à la baisse du Fonds monétaire international (FMI) pour la croissance britannique, «notable exception» dans un contexte économique global plutôt en cours d’amélioration. Les prévisions de croissance du pays pour 2017 ont été rabaissées à 1,7%. Par contraste, celles de l’Italie, la France et l’Allemagne ont été revues à la hausse. «Nous avions prédit, dans la période pré-référendum, comme d’autres, qu’il y aurait des effets négatifs à long terme sur l’économie britannique, en cas de sortie de l’UE, a expliqué Maurice Obstfeld, économiste en chef au FMI. Je pense que nous commençons à les voir».

«Si le Brexit était annulé»

Dans un rapport présenté mardi à Londres, l’OCDE a jugé «crucial que l’UE et le Royaume-Uni maintiennent la relation économique la plus proche». Angel Gurria, secrétaire général de l’organisation, a mis en garde contre le risque d’un gel des investissements, la poursuite de la chute de la livre, jugée dans le cas présent «peu susceptible de stimuler significativement les exportations» et l’arrêt de la productivité, déjà pratiquement «immobile». L’OCDE a prévu pour 2018 une chute de la croissance du Royaume-Uni à 1%. Pour contrer ces effets négatifs, il a proposé une très simple solution.

«Si le Brexit était annulé à la suite d’une décision politique (changement de majorité, nouveau référendum), l’impact positif sur la croissance serait significatif», a-t-il dit. A ses côtés, le chancelier de l’Echiquier, Philip Hammond, imperturbable, n’a pas bronché. Mais il a quitté la pièce sans répondre aux questions des journalistes. Le ministre, qui avait voté pour rester au sein de l’UE, est un fervent partisan d’une période de transition et du Brexit le plus souple possible. Mais il est soupçonné par les plus ardents Brexiters d’être un «traître» à la cause. Quelques heures après la publication du rapport de l’OCDE, un communiqué de son ministère, le Trésor, affirmait simplement : «Nous quittons l’Union européenne et il n’y aura pas de second référendum.»