L’euro mis en doute suite à la crise grecque

La crise de la dette publique grecque constitue la mise à l’épreuve la plus sérieuse que l’euro ait eu à affronter jusqu’à aujourd’hui. Le Conseil de l’Europe vient de se mettre d’accord sur son soutien en faveur de la Grèce par la mise en place d’un mécanisme de prêt, en dernier ressort, de la part des Etats européens avec la participation du Fonds Monétaire International (La Grèce n’a jamais demandé d’aide financière directe à l’Europe. Elle voulait un soutien politique pour que le pays puisse emprunter à des taux habituels et ne pas être en butte aux spéculateurs).

Cette mesure peut calmer, pour l’instant, les marchés. Mais elle ne résout pas le problème de fonds. Les créateurs de l’euro sont comme des parents qui ont célébré un mariage arrangé. Ils savaient qu’ils unissaient des pays avec des économies et des cultures différentes. Mais ils espéraient qu’avec le temps, les nouveaux associés apprendraient à vivre ensemble et qu’ils réaliseraient une véritable union.

En réalité, l’Union Européenne comptait sur 3 types de rapprochement : des économies, des politiques et des populations. Quand l’euro est apparu, on disait que le renforcement du commerce et des investissements entre les Etats membres de la zone Euro, pourrait créer une économie européenne véritablement unie permettant un rapprochement des différents niveaux nationaux de production et de consommation. Beaucoup, d’ailleurs, supposaient – ou espéraient – que l’euro amènerait également un rapprochement politique. En effet, dans un tel cadre, les Européens verraient mieux leurs points communs avec, comme suite, l’approfondissement de la politique européenne.

En dernier lieu, les fondateurs de la Monnaie Unique comptaient sur une troisième forme de rapprochement : entre l’opinion des élites et celle du peuple. Il était connu que dans certains pays-clés- en particulier l’Allemagne – la population ne partageait pas l’enthousiasme des élites pour la création de l’euro. Mais on espérait que la population, avec le temps, adopterait avec plaisir la nouvelle monnaie européenne unique.

Ce que montre la crise grecque c’est que le mariage arrangé de l ‘Europe se heurte à un obstacle majeur : le fait que les alliés ont des modes de financement divers. Des pays comme la Grèce et le Portugal ont profité pendant longtemps de l’impression mensongère qu’ils avaient créée concernant leur rapprochement économique et ce, grâce à leurs taux bas et à la stabilité de l’euro. Et tant que l’économie européenne était en période de croissance, on cultivait cette impression mensongère qu’il n’y avait pas de différences importantes entre les dettes publiques grecque et allemande. Mais maintenant, tout a changé – et la Grèce doit emprunter à un taux beaucoup plus élevé, étant considérée comme une économie à risques.
Il est aussi bien connu que des pays comme la Grèce, l’Espagne et le Portugal se battent pour être compétitifs par rapport à des économies beaucoup plus productives comme celle de l’Allemagne.

Pourtant, sur le plan de l’Union Monétaire, ils ne peuvent pas se tourner vers une dévaluation pour sortir de la crise. Et la seule solution, pour eux, est une très longue et très douloureuse période de privations, instituant la limitation de leurs dépenses par des réductions de salaires et une stagnation de leur niveau de vie.

Le défaut de rapprochement économique a révélé un défaut de rapprochement politique autour d’une identité européenne commune. En effet, la position allemande est que les économies européennes les plus faibles méritent leur sort puisque les travailleurs de certains pays ne travaillent pas aussi durement qu’eux et qu’il faut qu’ils se mettent au travail ou qu’ils quittent l’euro.

La moindre allusion au fait que le refus allemand de consommer et de se tourner vers les importations puisse avoir un lien quelconque avec la crise dans la zone euro est mise de côté. Certains hommes politiques grecs ont répondu aux pressions et parfois aux injures de la presse allemande par des rappels virulents sur la barbarie de l’occupation allemande dans leur pays par les Nazis pendant la Seconde guerre Mondiale. Mais, quel rapport cela a-t-il avec la fraternité européenne ?

La position très dure de l’Allemagne renvoie au fait que même le 3ème rapprochement – celui entre les élites et l’opinion commune – ne s’est jamais réalisé. Le peuple allemand est très méfiant vis-à-vis des conséquences de l’union monétaire, par crainte d’être appelé à payer la mauvaise gestion et le gaspillage de certains pays qu’on appelle d’ailleurs les P.I.G.S (Portugal, Italie, Grèce et Espagne, les pays « cochons »). Et au fur et à mesure qu’approchent les élections régionales critiques du mois de mai, la Chancelière allemande, Angela Merkel, se bat pour montrer combien elle peut être dure envers la Grèce.

Quand l’euro a été adopté, les hommes politiques allemands avaient l’habitude de soutenir que l’union monétaire exigeait peut-être une union politique. La crise grecque constitue précisément un des événements qui peuvent ouvrir la route vers cette union. Mais, face à cette crise terrible que connaît la Grèce, le gouvernement Merkel évite toute discussion à ce sujet et il préfère imposer au peuple grec des mesures économiques sévères.

Tout cela montre que l’euro n’est peut-être plus une union pour l’avenir mais un mariage malheureux entre des alliés incompatibles.

Marie Pierre TOURNAKIS
7 AVRIL 2010