Les citoyens d’Europe doivent encore et toujours construire un avenir commun.

« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». Paul Valéry
L’année 2014  connaîtra de nombreuses commémorations et évocations de la première guerre mondiale. Celle-ci  débutait il y a un siècle.  Ces évocations doivent nous inciter à porter un regard lucide sur l’histoire pour mieux construire notre avenir. L’horreur des combats et batailles qui ont marqué l’histoire de cette guerre, tué 9 millions de personnes, déchiré l’Europe puis imprimé un tragique destin au cours du vingtième siècle devrait, un siècle plus tard, à l’heure d’un euroscepticisme fort, au-delà des attitudes convenues,  inspirer puissamment les actuels gouvernants européens ainsi que les citoyens d’Europe. Le projet d’Union Européenne- est  inscrit dans le temps long et tourmenté de cette histoire, de ses conflits, et trouve une immense partie de ses nobles ambitions  dans la volonté farouche de quelques grands hommes, qui après 1945 tels Robert Schuman et Jean Monnet ont voulu construire un monde de la paix au cœur de l’Europe.
 Le lorrain Robert Schuman, issu d’un territoire durement marqué et forgé par la mémoire des guerres franco-allemandes, a puisé la force de sa vision européenne et de son engagement du fond de son expérience personnelle et familiale.
Aujourd’hui englués dans une crise économique profonde, nous avons du mal à apprécier les bienfaits de la construction européenne. Force est pourtant de constater que nous avons la chance de connaître la paix et la liberté depuis 1945. Les Ukrainiens qui militent et se battent aujourd’hui pour la liberté et la démocratie demandent à l’Europe de les accueillir. Il faut croire que l’image qu’ils s’en font, du point de vue des libertés au moins, est bien plus flatteuse que celle décrite par les politiciens europhobes. Cet argument devrait à lui seul, relativiser les attaques violentes de partis politiques nationalistes voire régionalistes, à l’égard du projet européen. Les opposants à la construction européenne avancent que cette vision de l’histoire- l’Union Européenne comme structure politique assurant la paix, la coordination et le développement – ne serait pas rationnelle et  que l’Europe aurait mécaniquement connu après 1945 la même dynamique économique des Trente Glorieuses lui assurant la paix et la prospérité. D’après cette logique, on  aurait mieux fait de construire une coopération d’Etat à Etat au travers de projets culturels, économiques communs, sans transferts de souveraineté…
Aussi respectables soient-ils et sans prétention à l’expertise économique, constatons simplement que la Flandre ou la Catalogne verraient  très vite la petitesse  des raisonnements spécieux et démagogiques de leurs leaders parfois populistes souvent europhobes si demain, la France et l’Allemagne enterraient le projet européen et se remettaient à décider unilatéralement de leurs droits de douane…
  Alors qu’aujourd’hui une majorité de citoyens français se détournent de l’idée européenne et perçoivent l’Europe comme une structure artificielle sans légitimité politique, composée d’ institutions technocratiques éloignées de leurs  préoccupations quotidiennes, il est nécessaire de rappeler que les pères fondateurs de l’Europe ont avant toute considération économique et institutionnelle, après deux guerres mondiales dévastatrices, dont les foyers se trouvaient au cœur même du vieux continent, ils ont, dis-je, voulu créer pour les peuples et leurs citoyens  un espace et un avenir commun de paix. On peut dire aujourd’hui, de ce point de vue que ce fut un succès.
Si l’on peut légitimement déplorer une orientation libérale de l’Europe contemporaine, son  dogmatisme de la concurrence libre et non faussée,  il ne faut cependant pas confondre son projet politique, dont les racines profondes sont constituées par l’histoire des peuples européens -plus que jamais nécessaire à l’heure de la mondialisation-  avec les dérives néolibérales  de certains de ses gouvernants et idéologues qui mènent indubitablement les citoyens d’Europe à l’euroscepticisme et aux replis nationalistes.
 Ne nous trompons pas de combat !