Envers et contre tout, plaider pour une Europe sociale, laïque et solidaire

 

LE VISAGE DE L’ACTUALITÉ DANIEL PLATTEAU

 

Minée par la crise, dévastée par le chômage, malmenée par des flux migratoires incontrôlés, l’Europe fait-elle encore rêver ? Posée de façon aussi provocante, la question aurait de quoi faire bondir un militant de longue date de la cause européenne. D’où l’idée d’un échange à bâtons rompus avec Daniel Platteau, figure incontournable de l’association Citoyen d’Europe.

PAR LAURENT WATIEZ

villeneuvedascq@lavoixdunord.fr

Comment vivez-vous cette crise de foi européenne ?

« Nous sommes des Européens, pas des Européistes. Autrement dit, nous conservons notre regard critique. Par exemple, nous avons dit « non » au projet de traité constitutionnel en 2005, comme la majorité des Français. L’un des problèmes majeurs de l’Europe, même si ce n’est pas le seul, c’est le déficit démocratique et la non prise en compte de la volonté populaire. Qu’a-t-on fait après ce vote négatif ? Le Président s’est empressé d’aller renégocier un autre traité pour passer outre le résultat ! » L’euro n’est-il pas devenu le symbole de cette arrogance ?

« L’euro n’est qu’un élément des difficultés actuelles. L’Europe souffre d’abord d’un manque d’organisation politique et de contrôle économique.

La banque centrale ne traite que de l’inflation, sans mettre en oeuvre de véritables politiques monétaires, comme cela se passe aux États-Unis. » Vos adhérents sont-ils gagnés par le pessimisme ?

« Oui. En tout cas, certains posent des questions auxquelles il faut répondre. Nous, nous plaidons pour une Europe sociale, qui n’existe pas, solidaire et laïque. Un exemple : la Grèce. Certes, elle a triché mais sa dette ne représente que 4 % de l’endettement européen. À elles seules, l’Allemagne, l’Italie et la France pèsent pour 69 % du total de la dette des 17 pays de la zone euro. On a fait beaucoup de bruit sur un pays pour masquer le retard à régler la situation. » Face à de telles dérives, de plus en plus de gens sont tentés par le repli identitaire. Qu’en pensez-vous ?

« Pour nous, c’est une ineptie totale. Le nationalisme européen s’est nettement développé ces dernières années, c’est certain. Mais quand on voit le programme économique de l’extrême-droite française, je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer. Le simple délai d’une transition au franc, par exemple, ne nous permettrait pas de faire face aux attaques des marchés. Et bien sûr, ce sont les gens modestes qui seraient les plus durement touchés. » Pourtant, les Anglais ont gardé leur monnaie et ne semblent pas en pâtir, non ?

« Mais je n’envie pas leur situation ! Vous avez vu leurs services publics ? Quand on voit des Anglais venir se soigner chez nous, ça interpelle… Le vrai problème de l’euro, je le redis, c’est le manque d’organisation politique. »Justement, les agences de notation donnent le sentiment de détenir le vrai pouvoir. N’est-ce pas dévastateur pour votre idéal ?

« Si. En plus, elles font régulièrement des erreurs énormes, comme se tromper de 2 000 milliards d’euros sur l’ensemble de la dette européenne (Standard &Poor’s), soit rien moins que le PIB de la France. Excusez du peu ! » Faut-il les supprimer ?

« Pas forcément mais qu’elles soient contrôlées, comme l’a proposé Michel Barnier, oui. Car qui se cache derrière ces organismes ? Et pour qui roulent-ils ? » Les flux migratoires incontrôlés, comme ceux des Roms, ne condamnent-ils pas, à terme, une certaine idée de l’Europe ?

« Sur cette question, nous disons clairement que la commission ne fait pas son boulot ! La Roumanie a reçu des fonds pour garder et former la population rom chez elle. Où va cet argent ? Les Roms sont chassés de chez eux, c’est ça la vérité. C’est à l’État français et à l’Europe de faire en sorte que la Roumanie utilise correctement les fonds accordés. Mais je n’ai pas la solution immédiate, sinon, je monterais d’un cran… (sourire). Quoi qu’il en soit, l’Europe, à 27 pays, est arrivée à la limite. » •

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