Mélenchon sur le drapeau européen : une polémique infantile

19 octobre 2017

 

Au sommet européen de jeudi et vendredi, Emmanuel Macron va réaffirmer l’attachement aux symboles qui composent le drapeau de l’UE alors même que ceux-ci sont contestés par le leader de France Insoumise.

 

 

 

Le drapeau européen flotte au siège de la Commission européenne, à Bruxelles

 

La France Insoumise a débordé sur leur extrême droite le Front national et Debout la France en menant une croisade contre la présence du drapeau de l’Union européenne à l’Assemblée Nationale. Pas par allergie europhobe, non bien sûr, mais parce que l’emblème européen serait en fait constitué de symboles chrétiens cachés, une sorte de « Da Vinci code » eurocrate : le bleu marial, bien sûr, et les douze étoiles jaunes qui seraient à la fois celles de la couronne ceignant la Vierge Marie évoquée dans l’Apocalypse selon Saint-Jean ou une référence aux douze apôtres. Pour le parti de Jean-Luc Mélenchon, ce drapeau «confessionnel» porte atteinte à la sacro-sainte laïcité au sein du Parlement et devrait donc être remplacé par… le drapeau de l’Onu. L’extrême droite, ravie de voir la gauche autoproclamée radicale, mener un combat contre ce que Florian Philippot, le purgé du FN, appelle le «torchon de l’oligarchie européïste», ont immédiatement soutenu la croisade de Mélenchon. Cela a l’air d’une blague, mais ça ne l’est pas.

Comme à chaque fois qu’il s’agit de combattre l’Union, on ne se pose pas de questions sur ceux qui partagent vos combats : on l’a vu lors des référendums de 1992 et de 2005 lorsque le front commun du nonisme a permis à une partie de la gauche d’établir des convergences sur de nombreux points avec la droite de la droite. Mais, pour se défendre d’une assimilation potentiellement dévastatrice entre les «rouges» et les «bruns», la gauche du non a fait valoir qu’elle luttait, elle, pour une Europe sociale, généreuse, multiculturelle, ouverte au monde. C’est ce mythe construit par les leaders du non que Mélenchon, en se perdant dans les brumes d’une europhobie complotiste et haineuse, fait voler en éclats. L’affaire du drapeau est symbolique et, de ce point de vue, il faut remercier le leader de France Insoumise de dissiper les illusions de ceux qui, souvent de bonne foi, ont cru au «non de gauche» promu par des politiciens opportunistes. En l’occurrence, il n’y a qu’un non, profondément anti-européen qui représente un bon tiers de l’électorat français.

L’«autre Europe» de Mélenchon ressemble en réalité furieusement à celle du FN, celle d’un retour pur et simple aux nations souveraines, celle de l’Europe avant l’Union, le tout saupoudré d’une méfiance maladive à l’égard d’une Allemagne forcément «impériale». Cette dérive était logique : faute de pouvoir espérer obtenir un jour l’unanimité européenne nécessaire pour créer cette Europe rêvée, Mélenchon limite son ambition aux frontières nationales afin d’y créer la République bolivarienne dont il rêve. Les clins d’œil répétés de Mélenchon à l’électorat de l’extrême droite depuis l’entre deux tours de la présidentielle doivent se lire à cette aune : rejoignez-nous, nous sommes aussi nationalistes que le FN, aussi social que lui, mais moins sulfureux que lui, puisque notre nation sera plus ouverte (sauf aux Allemands, il y a des limites…).

Passons sur le fait que les affirmations de Mélenchon et de ses lieutenants sur les origines chrétiennes du drapeau européen ne reposent que sur un témoignage très tardif qui a été démenti par toutes les autres sources. Mais même en imaginant qu’il contienne des références chrétiennes, on serait tenté de dire : et alors ? Toute la culture française et européenne baigne dans la chrétienté, comme le montre le prénom de Mélenchon : Jean-Luc, les prénoms de deux apôtres et pas n’importe lesquels… Autant dire que cette croisade, factuellement infondée, est en outre lunaire. Si l’électorat FN est certes europhobe, il est aussi attaché à la chrétienté qu’il entend défendre contre l’Islam.

Cette polémique infantile aura au moins eu un mérite : Emmanuel Macron va signer, au cours du sommet européen de jeudi et vendredi, la déclaration numéro 52 qui affirme l’attachement de seize pays aux symboles européens dont fait partie le drapeau. La France était le seul Etat fondateur à ne pas l’avoir fait. Comme quoi, on a toujours besoin d’un bon europhobe…