Alexis Tsipras présentant sa démission au président Prokopis Pavlopoulios.
En convoquant des élections législatives anticipées pour le 20 septembre, Alexis Tsipras est quasiment assuré de retrouver une majorité. Mais il sera à la tête d’un pays du plus en plus difficile à gouverner.
Sa démission ne manque pas de panache. Mais tandis qu’Alexis Tsipras parie sur de nouvelles élections législatives anticipées, la Grèce est livrée à l’instabilité politique. Le chef de la droite grecque, Vangelis Meimarakis, a été chargé par le président de la République de former un nouveau gouvernement. Il n’a quasiment aucune chance d’y parvenir. Les réformes liées au troisième plan d’aide européen sont au point mort, ainsi que leurs supposés bénéfices pour l’économie grecque. Si Tspiras obtient sa réélection, saura-t-il redresser la barre?
Un coup politique intelligent
Le coup politique est intelligent, reconnaît The New Yorker. Ayant rompu avec la « Plate-forme » de gauche, qui vient de former son propre groupe parlementaire, Alexis Tsipras ne pouvait plus compter que sur les 106 députés de Syriza qui ont approuvé le plan d’aide, sur les 149 du groupe. Même avec le soutien des 13 Grecs indépendants de l’Anel, il risquait d’être débarqué par un vote de défiance, le Parlement comptant 300 députés. En convoquant rapidement de nouvelles élections, il veut profiter de sa popularité: « Tsipras n’a pas perdu la confiance des Grecs, qui le considèrent comme un héros national pour s’être bien battu », explique l’économiste Gabriel Colletis à L’Express. Les derniers sondages donnent 34% d’opinions favorables à la liste qu’il conduirait.
Le timing de la démission est un peu cynique, raille le ministre des finances hongrois Peter Kazimir sur Twitter, relevant qu’elle intervient juste après un remboursement à la BCE qui aurait été impossible sans l’aide européenne.
« Il pouvait ne pas démissionner », remarque pour L’Express la politologue grecque Filippa Chatzistavrou, « il n’y a que 25 députés qui sont partis pour Unité populaire, il aurait pu avoir la confiance. Ce n’est même pas sûr que la Plate-forme de gauche l’aurait fait tomber. » Selon elle, Tsipras aurait pu conserver sa majorité actuelle, en attendant une prochaine victoire de Podemos en Espagne. Il aurait ainsi été en position de force pour renégocier la dette avec l’Europe.
L’Europe apprécie le nouveau Tsipras
Alexis Tsipras défend maintenant le plan d’aide européen comme « le meilleur accord possible ». Une alliance avec des partis traditionnellement pro-européens comme Nouvelle Démocratie (droite), le Pasok (gauche) ou To Potami (centre) semble encore impensable: « Il est allergique à eux », assure Filippa Chatzistavrou. Débarrassé de son extrême gauche, ayant fait le plein de voix, il peut espérer gouverner à nouveau avec l’Anel. L’Europe voit d’un très bon oeil son glissement vers le centre. Dès avant l’annonce officielle de sa démission, le responsable du cabinet du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, Martin Selmayr, avait tweeté: « des élections anticipées en Grèce peuvent être le moyen d’élargir le soutien » au plan d’aide.
Selon The Telegraph, la démission d’Alexis Tsipras a été décrite par la chancelière allemande Angela Merkel comme « une partie de la solution ». Marcel Fratzscher, économiste allemand qui conseille le ministre de l’Economie Sigmar Gabriel, a déclaré que les nouvelles élections étaient « une bonne nouvelle économique » puisque « il y a de bonnes chances qu’elles amènent au pouvoir un gouvernement plus compétent et davantage pro-européen ».
Risque: perdre le soutien populaire
Mais pourquoi les électeurs qui ont voté à 61% contre l’austérité au référendum du 5 juillet voteraient-ils, trois mois après, pour une coalition formée à la seule fin de mener une politique d’austérité? « On risque d’avoir des surprises lors de ces élections anticipées, davantage qu’en janvier », prédit sombrement un Grec rencontré par l’envoyée spéciale du Monde. Un autre, ancien électeur de Syriza, confie qu’il votera pour le parti néo-nazi Aube dorée. « Une grande partie des Grecs ne va pas voter par conviction idéologique, ils ne savent plus quoi voter », relève Filippa Chatzistarou: « Syriza, c’est devenu un peu n’importe quoi. »
En défendant la position qu’il contestait trois mois avant, Alexis Tsipras prend le risque de détourner encore plus les Grecs de l’euro. Si le plan d’aide ne permet pas rapidement d’améliorer leur vie, son nouveau gouvernement n’aura guère plus de chance de durer que les précédents. « Plus les mois passeront, plus les effets des mesures du plan d’aide se feront sentir, plus les partis opposés à l’euro gagneront des suffrages », assure Filippa Chatzistavrou: « D’après certains sondages, Unité populaire serait déjà à 6%. De plus en plus de Grecs pensent que l’euro, ce n’est pas la solution. »