Crise industrielle: «Rien de pire qu’une politique d’austérité!»

Les prises de parole de l’économiste lillois sont rares. Laurent Cordonnier réagit pour nous aux tensions sociales qui s’aggravent à nouveau dans l’industrie régionale. Une solution ? La relance par la demande !

La Voix du Nord du 26 mai 2015

1597061153_B975635309Z.1_20150526085419_000_GV64HLI92.3-0

 

Membre des Économistes atterrés revendiquant des positions de gauche, collaborateur duMonde diplomatique, Laurent Cordonnier est le nouveau doyen de la faculté des sciences économiques et sociales, 3 200 étudiants au sein de l’université de Lille 1.

– Sambre et Meuse, Forges de Fresnes, Verreries de Masnières, Arc International, Vallourec, Arjowiggins… Que vous inspire la litanie de mauvaises nouvelles industrielles ?

« Notre déclin industriel rejoint celui de l’économie nationale et notre région plus industrielle que les autres subit plus durement les effets de la crise industrielle. La France aussi a vécu une baisse de sa valeur ajoutée industrielle (– 17 % entre 2008 et 2014). Plus globalement, c’est l’industrie qui plombe l’emploi. Contre toute attente, la résistance de l’économie dite présentielle est étonnante. C’est l’économie locale, celle liée au territoire avec les commerces, les transports publics, la restauration, les hôtels, etc. Sur trente ans, l’emploi a progressé de 0,6 % en France mais de 0,33 % en région, deux fois moins vite. L’emploi industriel baisse de 0,9 % par an chez nous contre 0,2 % dans le pays. Mais les chiffres nordistes sur l’économie présentielle sont bons, en ligne avec ceux de la France : + 1,2 % en région par an contre + 1,3 % dans le pays. L’essentiel de notre moindre performance est donc lié à l’industrie, cette économie dite productive par l’INSEE. »

– Comment limiter les dégâts sociaux dans l’industrie ?

« L’essentiel de l’économie régionale est tiré par l’export. Il faut développer notre économie productive qui vend ses biens et ses services ailleurs que sur nos territoires. Ne misons surtout pas tout sur l’autonomie régionale même si la résistance de l’économie présentielle nous épargne encore une vraie catastrophe. »

– Mais comment restaurer les marges des entreprises ?

« Avec de la croissance et des marchés plus qu’avec des cadeaux comme la baisse des coûts salariaux et celle des prestations sociales. La Région a défini des domaines stratégiques prioritaires et c’est très bien. Comme la troisième révolution industrielle. Mais qui fait quoi ? On devrait donner des feuilles de route précises à EDF, à Véolia, aux CCI, etc. Les marges ne pourront pas se redresser sans une politique de relance de la demande et on doit planifier la transition écologique et énergétique. Isoler les maisons pourrait créer très vite des milliers d’emplois… ».

À suivre en conférence ce mardi 26 mai au conseil régional à Lille, avenue du Président-Hoover (18 h 30).