Brexit : Theresa May conciliante mais encore très vague

Par Sonia Delesalle-Stolper — 22 septembre 2017

A Florence, la Première ministre britannique a tenté de donner une nouvelle impulsion aux négociations sur la sortie de l’UE en présentant quelques concessions.

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Theresa May a-t-elle choisi Florence en tant que berceau de la Renaissance, comme le symbole parfait d’un renouveau pour les négociations sur le Brexit ? A moins qu’elle n’ait pensé à Machiavel, génial stratège de l’époque, justement, né et mort dans la cité italienne ? On pourrait supposer qu’aucune de ces deux références n’a influencé son choix, tant le contenu de son discours de vendredi est resté timide sur le fond. Sur la forme, en revanche, la Première ministre britannique a cherché à arrondir les angles, employant un ton bien plus conciliant que lors de ses deux précédents grands discours sur le Brexit – en octobre 2016 au congrès annuel du parti conservateur et en janvier à Lancaster House, à Londres.

«Nouveau chapitre»

Theresa May a commencé par poser un constat que, finalement, peu pourront contester. «Le Royaume-Uni ne s’est jamais vraiment senti chez lui au sein de l’Union européenne», a-t-elle dit. Avant d’ajouter, presque sur un ton d’excuses : «Peut-être en raison de notre histoire et de notre géographie, l’Union européenne n’a jamais été perçue chez nous comme une partie intégrale de notre histoire nationale, de la même manière qu’elle est perçue pour tant d’autres en Europe.»

Le message était clair : le Royaume-Uni est différent des autres et veut donc un destin différent ; cessons les récriminations et passons à autre chose. D’ailleurs, a-t-elle poursuivi, «l’Union européenne entame un nouveau chapitre dans l’histoire de son développement […]. Il existe un débat vibrant sur le futur des institutions européennes et la direction que prendra l’UE dans les années à venir. Nous ne voulons pas entraver cela».

Du coup, histoire de se débarrasser de ce frein au plus vite, a-t-elle plaidé, pourquoi ne pas créer un statut sur mesure pour le Royaume-Uni vis-à-vis de l’UE ? Un statut qui soit différent de celui du Canada, de celui de la Norvège ou encore de la Suisse. Et pour cela, il faudra faire preuve des deux côtés, britannique et européen, d’«imagination et de créativité».

Theresa May, très fragilisée après la perte de sa majorité lors des élections anticipées de mai et dont l’autorité a été lourdement contestée la semaine dernière par son ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, jouait là son avenir immédiat. Elle devait réussir à convaincre, essentiellement l’opinion publique britannique et surtout son parti conservateur, qu’elle maîtrise parfaitement le dossier Brexit.

Elle a donc proposé quelques avancées concrètes, avec la suggestion d’une «période de transition d’environ deux ans» après la sortie officielle de l’Union européenne le 29 mars 2019. Pendant cette période, rien ne changerait en termes d’accès au marché unique et à l’union douanière pour le Royaume-Uni. En échange, le pays continuerait à «honorer ses engagements financiers», a promis May. Ce qui pourrait correspondre à une contribution budgétaire estimée à environ 20 milliards d’euros sur ces deux ans. Cette idée devrait plaire très modérément à l’aile la plus eurosceptique de son parti qui jugera qu’une telle décision signifierait que, cinq ans après le vote du Brexit, le pays ne serait toujours pas vraiment sorti de l’Union.

Coupure nette Mais cette période de transition pourrait aussi rassurer le monde économique, plutôt inquiet par la tournure chaotique des discussions sur le Brexit depuis quinze mois. La Première ministre a également suggéré la signature entre l’UE et le Royaume-Uni d’un nouveau traité de coopération en termes de sécurité qui irait «bien plus loin que jamais auparavant», sans préciser davantage.

Petite concession à l’UE, Theresa May a proposé qu’une fois le Brexit concrétisé, en cas de litige concernant les citoyens européens, les tribunaux britanniques tiennent «compte des jugements de la Cour européenne de justice». Mais la décision finale reviendra toujours à la justice britannique, ce qui pourrait ne pas suffire à l’Union européenne. Et irriter encore une fois les eurosceptiques qui prônent une coupure nette et claire. La Commission européenne a d’ailleurs réagi en répétant que les «citoyens membres de l’UE des 27 au Royaume-Uni doivent avoir les mêmes droits que les citoyens britanniques aujourd’hui dans l’UE. Les déclarations de Theresa May sont un pas en avant. Le Royaume-Uni doit préciser sa position de négociation». Concernant l’Irlande du Nord, Theresa May s’est une fois de plus catégoriquement opposée à l’installation d’une frontière physique après le Brexit.

«Le temps est la clé»

Alors que le quatrième round des négociations démarre lundi à Bruxelles, les premières réactions ont été mitigées. Le député européen CSU Manfred Weber, allié d’Angela Merkel et président du groupe Parti populaire européen (PPE) au Parlement européen, a jugé dans un tweet que, en «substance, la Première ministre May n’apport[ait] pas plus de clarté quant aux positions britanniques. Je suis aujourd’hui encore plus inquiet», a-t-il ajouté. En revanche, la Commission européenne a salué l’esprit «constructif du discours de Theresa May, le même qui anime l’UE pendant cette négociation unique». Mais, a-t-elle souligné, «le temps est la clé, nous devons trouver un accord sur le Brexit avant l’automne 2018. Le Royaume-Uni deviendra un pays tiers le 30 mars 2019».

Sinon, un sondage BMG publié vendredi dans The Independent indiquait que, pour la première fois depuis le référendum, 52 % des Britanniques souhaiteraient désormais rester membres de l’UE.