Royaume-Uni : vers la fin de la libre circulation dès 2019 ?

6 septembre 2017

 

Il y a presque un an, la Première ministre britannique, Theresa May, assenait lors d’un discours mémorable sur le Brexit que «ceux qui se dis[aient] citoyens du monde [étaient] des citoyens de nulle part». Aujourd’hui, ces mots se traduisent clairement par : «Ils ne sont certainement pas des citoyens du Royaume-Uni.» Des documents confidentiels issus du ministère de l’Intérieur, publiés jeudi par le Guardian, présentent un plan drastique de contrôle de l’immigration prévu pour être mis en place dès la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 31 mars 2019. Il impliquerait notamment la fin immédiate de la libre circulation des Européens.

Ces 82 pages de travail, datées du mois d’août et qualifiées d’«informations très sensibles», ne sont qu’une version intermédiaire des propositions envisagées. Mais le ministre de la Défense, Michael Fallon, a déjà réagi en rappelant que «les gens [avaient] voté» pour quitter l’UE. «Cela signifie la fin de la liberté de mouvement.» De fait, le nouveau système exposé dans les documents supprimerait pratiquement toute possibilité pour un immigré européen de s’installer durablement au Royaume-Uni. Les moins qualifiés seraient alors soumis à une autorisation de résidence limitée à deux ans – à condition qu’ils aient un emploi avant d’arriver dans le pays -, tandis que les plus qualifiés pourraient espérer obtenir un permis de travail de trois à cinq ans. Les possibilités de regroupement familial seraient très réduites. Le document insiste également sur le fait que les employeurs devront privilégier l’emploi de Britanniques, sauf s’ils peuvent apporter la «preuve économique» que l’embauche d’un citoyen européen est nécessaire.

Les acteurs économiques du pays n’ont pas vraiment apprécié le contenu des documents. La présidente adjointe de la National Farmers Union, qui représente les agriculteurs, a demandé «un engagement urgent et clair du gouvernement pour s’assurer qu’éleveurs et agriculteurs aient un accès à un nombre suffisant de travailleurs saisonniers et permanents post-Brexit». Le très concerné secteur hôtelier a quant à lui jugé «catastrophiques» ces propositions.Les citoyens européens représentent 7 % de l’ensemble de la force de travail au Royaume-Uni, soit environ 2,2 millions de salariés, selon l’Office for National Statistics (ONS).

Ces derniers mois, le Home Office a témoigné d’une attitude de plus en plus hostile vis-à-vis des citoyens européens. Le ministère a ainsi envoyé cet été une centaine de lettres à des citoyens européens, leur signifiant leur expulsion imminente du pays. Le chef du Parti libéral-démocrate, Vince Cable, farouche pro-européen, a aussi révélé que lorsqu’elle était ministre de l’Intérieur, Theresa May avait supprimé la publication d’«au moins neuf rapports» qui montraient que l’immigration n’avait pas d’impact sur le niveau des salaires ou les emplois des travailleurs britanniques. Le vote du Brexit et l’incertitude ambiante ont déjà entraîné une baisse de l’immigration intra-européenne vers le Royaume-Uni. Selon l’ONS, le nombre de salariés en provenance de huit pays est-européens a baissé de 1,1 % entre avril et juin par rapport à l’année précédente.