Le bras de fer se poursuit entre Londres et l’Union européenne

27 août 2017

A l’issue d’un sommet européen en octobre, les leaders européens décideront si les progrès ont été suffisants pour entamer les discussions sur l’accord commercial. Photo Justin Tallis. AFP

Une nouvelle session de discussions techniques débute ce lundi à Bruxelles après une série de propositions britanniques. Avec, pour l’instant, aucune avancée concrète à l’horizon.

  • Le bras de fer se poursuit entre Londres et l’Union européenne

Cette fois-ci, David Davis ne vient pas à Bruxelles les mains vides. Lors de sa dernière visite, en juillet, une photo du ministre britannique chargé du Brexit et de son équipe, attablés à la table des discussions sans dossiers sous les yeux, avait provoqué une salve de commentaires ironiques sur le manque de préparation du Royaume-Uni. Mais ces deux dernières semaines, le gouvernement a publié une série de sept documents pour clarifier sa position et proposer des solutions au casse-tête économique et politique qu’est le Brexit. Des offres accueillies très froidement par les hauts responsables de l’Union européenne, Commission en tête.

Car, comme l’a souligné Michel Barnier, le négociateur en chef de l’UE, «l’heure tourne». Bruxelles souhaite boucler les négociations d’ici octobre 2018 afin de laisser aux 27 le temps de ratifier l’accord de sortie. Le gouvernement britannique espère donc rapidement passer à l’étape supérieure. «Les premiers cycles de négociations ont montré que beaucoup de questions sur notre sortie sont inextricablement liées à notre relation future», a tenté de justifier David Davis dans le Sunday Times, quelques jours après la publication d’un document sur l’union douanière et d’un autre sur la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, traversée chaque jour par 30 000 personnes. Le gouvernement a détaillé des solutions pour régler cette question brûlante, l’une des priorités des négociations, tout en entamant la réflexion sur un futur accord commercial.

Rétropédalage ?

Le ministère chargé du Brexit a également planché sur la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), l’institution qui règle, entre autres, les litiges commerciaux. C’est l’une des nombreuses pommes de discorde entre le Royaume-Uni et l’UE. Depuis la victoire du Brexit, le gouvernement conservateur, Theresa May la première, répète que le pays sortira de la CJUE. Cependant, le document publié mercredi dernier est plus nuancé. «Nous allons mettre fin à la juridiction directe de la CJUE», peut-on lire, suggérant ainsi que cette cour continuera à exercer une influence indirecte.

La Première ministre reviendrait-elle sur ses promesses ? «Il sera impossible de mettre totalement fin à sa compétence tout en continuant à commercer avec l’UE. Même les Etats-Unis doivent parfois s’y référer», explique Piet Eeckhout, professeur de droit européen à l’University college de Londres.

Mais pour l’opposition, ce discours moins catégorique cache un rétropédalage. «Ils vous ont dit que les juges européens n’auront plus d’influence sur la législation britannique, et c’est faux. Tellement de promesses, comme les 350 milliards de livres par semaine qui devaient revenir au service public, s’avèrent impossibles à réaliser», s’est agacé le député travailliste Chuka Umunna sur la BBC. S’il est au pouvoir, «le Labour chercherait un accord de transition qui maintienne les mêmes conditions de base dont nous profitons actuellement au sein de l’UE», écrit d’ailleurs Keir Starmer, responsable du Brexit au Labour, dans une tribune publiée dimanche dans The Observer. Et de fustiger les propositions «fantaisistes et inatteignables» avancées par le ministre conservateur en charge du Brexit, David Davis.

Le prix à payer

«C’est le jeu politique, tempère Anand Menon, professeur de sciences politiques à King’s College London et président du think tank UK in a Changing Europe. Mais le gouvernement britannique n’a pas du tout changé de position : il veut sortir de l’union douanière, sortir du marché commun, ne plus accepter la juridiction de la CJUE.» En effet, Londres ne recule pas d’un pouce de sa ligne dure. Et son positionnement ravit les Brexiters. C’est le cas du groupe d’économistes Economists for Free Trade, dont les recherches sont largement critiquées par le milieu académique. «Le soft Brexit, c’est le statu quo et c’est inacceptable. Au fond, ce n’est pas si grave si nous ne trouvons pas d’accord commercial avec l’UE, ose son président Patrick Minford. Le Royaume-Uni veut rester en bons termes avec ses voisins. C’est pour ça qu’il est prêt à payer.»

Ce genre de discours hérisse les Européens mais aussi les économistes comme Monique Ebell, chercheuse au National Institute of Economic and Social Research. «Les études montrent que les pertes commerciales liées à notre sortie excéderont les bénéfices tirés des éventuels accords avec d’autres pays, oppose-t-elle. Le point positif du document sur l’union douanière, c’est la période de transition, qui permet de gagner du temps. Mais j’ai du mal à voir quels avantages les pays de l’UE en tireront…» Le haut responsable européen Guy Verhofstadt a pour sa part d’ores et déjà jugé ces propositions «fantaisistes».

Bruxelles risque également d’accueillir froidement les propositions sur la CJUE qui est, aux yeux de Michel Barnier, le seul «moyen pour préserver la pérennité» des droits des citoyens européens, et l’une des priorités des négociations avec la question nord-irlandaise et la facture du Brexit. A l’issue d’un sommet européen en octobre, les leaders européens décideront si les progrès ont été suffisants pour entamer les discussions sur l’accord commercial. Mais l’un d’entre eux, le Premier ministre slovène, Miro Cerar, a déjà confié au Guardian qu’il en doutait fortement.