GB: les élections anticipées, chance inespérée pour les europhiles

La Première ministre britannique Theresa May, le 19 avril 2017 à Londres

AFP,  19 avril 2017

Londres: les partis europhiles voient une chance inespérée de peser sur les négociations du Brexit avec les élections législatives anticipées

Les partis europhiles britanniques voient une chance inespérée de gonfler leurs rangs et de peser sur les négociations du Brexit avec les élections législatives anticipées convoquées par la Première ministre Theresa May.

Le Parti libéral-démocrate apparaît comme le recours évident des déçus du Brexit, qui l’a emporté le 23 juin 2016 avec près de 52% des voix.

C’est le seul à défendre ouvertement la cause pro-UE, à l’exception du SNP écossais, ce qui en fait l’unique alternative possible pour les électeurs europhiles, souligne Rob Ford, professeur de sciences politiques à l’université de Manchester, face à la position « très peu claire » du Parti travailliste, première force d’opposition du pays.

Les travaillistes ont milité pour rester dans l’UE mais depuis la victoire du Brexit, ils ont décidé de soutenir le gouvernement conservateur de Mme May dans sa mise en oeuvre, à condition qu’elle maintienne des liens économiques forts avec l’UE et protège les droits des travailleurs et les normes environnementales.

Côté écossais, la Première ministre Nicola Sturgeon a déclaré mercredi que, si « l’arithmétique parlementaire » le permettait, elle chercherait à forger une « alliance progressiste » pour empêcher Mme May de revenir au pouvoir.

Mais pour les analystes, les chances sont faibles de voir le SNP ou les libéraux-démocrates s’allier aux travaillistes, au plus bas dans les sondages et très divisés entre les cadres du parti –sur une ligne centriste– et leur chef Jeremy Corbyn, qui défend des positions plus radicales.

« Pourquoi voudraient-ils s’attacher à un bloc de béton et sauter à l’eau ? », dit Rob Ford.

Jeremy Corbyn a lui déjà exclu la possibilité d’une alliance avec le SNP, soulignant que les nationalistes écossais, qui réclament un nouveau référendum d’indépendance, voulaient « faire éclater le Royaume-Uni ».

– ‘Liberté de compromis’ –

Les libéraux-démocrates ont dirigé le pays dans une coalition avec les conservateurs de 2010 à 2015, avant d’être écrasés aux législatives de mai 2015 où ils n’ont réussi à obtenir que huit députés, sept fois moins que cinq ans plus tôt.

Wyn Grant, professeur de sciences politiques à l’université de Warwick, estime qu’ils pourraient cette fois gagner 20 sièges « si tout se passe bien pour eux ».

Selon Rachel Sylvester, éditorialiste au quotidien The Times, le gouvernement serait en fait plus inquiet du score du Parti libéral-démocrate que de celui du Labour, car il « ne peut que progresser », écrit-elle.

En décembre, il a gagné un neuvième siège dans une élection partielle à Richmond, une banlieue huppée du sud-ouest de Londres, face au sortant conservateur, en appuyant sur la fibre europhile de ses habitants.

Un succès qui « montre le pouvoir d’un message clairement pro-UE dans des zones qui ont voté pour rester » dans le bloc européen, souligne Rachel Sylvester.

Vince Cable, l’ancien ministre du Commerce qui avait perdu son siège de député en 2015, a annoncé son intention de se représenter dans son ex-bastion de Twickenham, à l’ouest de Londres, où la population a voté nettement en faveur de l’UE.

Mais les gains des libéraux-démocrates pourraient se faire au détriment du Labour et au final conforter les conservateurs, estime M. Ford.

Si c’est le cas, cela pourrait tout de même servir les tenants d’un Brexit moins dur que craint par les europhiles, car Mme May serait moins dépendante des europhobes les plus virulents de son parti, selon lui.

« Avec une majorité plus large, elle peut se permettre plus de défections » et « cela lui donnera plus de liberté pour faire des compromis », dit-il.

Un point de vue partagé à Bruxelles. « La bonne nouvelle côté européen, c’est que du coup elle sera moins fragile pour encaisser toutes les concessions qu’elle devra faire », a déclaré à l’AFP un diplomate européen.