Quand le Brexit se met en branle, l’Ecosse «Scexit»

Sonia Delesalle-Stolper, correspondante à Londres — 13 mars 2017

Manifestation anti-Brexit devant le Parlement de Londres, lundi: «Ne laissez pas [Theresa] May nous museler.»

L’Anglaise Theresa May a retardé le coup d’envoi de la sortie de l’UE après que l’Ecossaise Nicola Sturgeon a annoncé un référendum sur l’indépendance.

 

Quand le Brexit se met en branle, l’Ecosse «Scexit»

Ces Ecossais sont tout de même très forts. Détruits dimanche par le XV de la Rose au rugby, les voici dès le lundi requinqués, en ordre de bataille, prêts à envisager un «Scexit» («Scotland» plus «exit»). Et à retarder le Brexit d’au moins quelques jours. En annonçant lundi matin son intention de convoquer un second référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, la cheffe du gouvernement écossais Nicola Sturgeon a, semble-t-il, fauché l’herbe sous le pied de la Première ministre britannique Theresa May. Elle avait en effet l’intention d’invoquer ce mardi l’article 50 et de donner ainsi le coup d’envoi de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, quelques heures après l’adoption par le Parlement de la loi sur l’article 50, intervenue lundi dans la soirée.

Mais c’était compter sans l’initiative de Nicola Sturgeon. La dirigeante du Scottish National Party (SNP), parti indépendantiste, a souhaité l’organisation d’un référendum «entre l’automne 2018 et le printemps 2019», soit avant le Brexit définitif, mais au moment où le contenu des négociations commencera à émerger… Ces négociations, entre le Royaume-Uni et les vingt-sept autres membres de l’Union européenne, doivent en principe durer deux ans, à compter de l’invocation de l’article 50. Pendant cette période, le Royaume-Uni reste officiellement membre de l’UE.

Ironie. Finalement, Theresa May devrait attendre la toute fin du mois de mars, notamment pour éviter toute collusion avec les élections législatives aux Pays-Bas mercredi (lire pages 2 à 5) et les cérémonies d’anniversaire des soixante ans du Traité de Rome, traité fondateur de l’UE, le 25 mars.

La Première ministre a jugé «profondément regrettable» l’annonce de Nicola Sturgeon, en indiquant qu’un second référendum sur son indépendance placerait l’Ecosse sur la voie de «l’incertitude et de la division. La politique n’est pas un jeu», s’est-elle exclamée. L’ironie de ce jugement, venu de la dirigeante issue du parti qui a parié en juin l’avenir du pays au sein de l’UE sur un référendum incertain, n’a pas manqué d’être relevé… «David Cameron a perdu l’Europe et Theresa May pourrait bien perdre le Royaume-Uni», a ainsi analysé Denis MacShane, ex-ministre de l’Europe sous Tony Blair.

Il y a deux ans, le 18 septembre 2014, les Ecossais avaient rejeté à 55 % l’indépendance. Mais entre-temps, les circonstances ont changé, brutalement. Le Royaume-Uni a voté le 23 juin en faveur d’une sortie de l’UE. Alors l’Ecosse choisissait à 62 % de rester européenne.

Depuis le vote, le gouvernement écossais, dominé par le parti indépendantiste de Nicola Sturgeon tente d’influencer la Première ministre Theresa May afin de limiter l’impact du Brexit, en insistant notamment sur la nécessité de rester membre du marché unique.

 

«Or le gouvernement britannique n’a pas bougé d’un centimètre en faveur d’un compromis», a constaté Nicola Sturgeon, qui a ajouté que l’annonce faite en janvier par May que le Royaume-Uni avait l’intention de sortir du marché unique et de l’union douanière avait été communiquée «sans consultations préalables». «La voix de l’Ecosse ne peut être ignorée sur un tel sujet, a-t-elle assuré. Il ne s’agit pas seulement de la question de notre relation avec l’Europe mais également du genre de pays que nous souhaitons être.» Et cette décision doit revenir «au peuple écossais», a dit la Première ministre.

Négociations. A l’heure actuelle, les sondages donnent toujours une légère majorité en faveur du maintien de l’Ecosse au sein du Royaume-Uni, mais l’écart se resserre. Et Sturgeon sait que plus les négociations sembleront difficiles et auront l’air de se diriger vers un Brexit «dur», plus la cause de l’indépendance de l’Ecosse se trouvera renforcée.

Les troupes du SNP sont aguerries, après deux référendums et une élection générale en deux ans. Alors que le «non» des Ecossais au premier référendum était lié à la peur du saut dans l’inconnu de l’indépendance, cette fois-ci, le «oui» signifierait le rejet de l’inconnu du Brexit. May et le parlement de Westminster peuvent techniquement s’opposer à la tenue du référendum, mais ce serait politiquement difficile à justifier.

L’annonce de Nicola Sturgeon intervient une semaine après des élections en Irlande du Nord qui ont vu une forte poussée des nationalistes du Sinn Féin, en faveur d’un maintien au sein de l’UE. Comme l’Ecosse, l’Irlande du Nord a voté en juin à 56 % pour rester européenne. Alors que May s’apprête à engager des négociations cruciales, le Royaume-Uni apparaît plus que jamais profondément divisé et son avenir incertain.