« Menacée de mort » pour avoir déposé un recours contre le Brexit

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La cofondatrice du gestionnaire de fonds SCM Direct Gina Miller devant le Parlement britannique, le 12 octobre à Londres

 

AFP,  mercredi 12 octobre 2016

Brexit: « menacée de mort » pour avoir déposé un recours contre la décision de May de déclencher les négociations sans l’aval du Parlement

Depuis que Gina Miller a décidé de former un recours contre la décision de la Première ministre britannique de déclencher les négociations en vue du Brexit sans l’aval du Parlement, cette femme d’affaires a reçu des menaces de mort et des accusations de trahison.

« J’ai reçu des menaces de mort. Apparemment, ma tête devrait figurer au Traitors Gate », la porte par laquelle les prisonniers entraient à la Tour de Londres au XVIe siècle, a affirmé mercredi Mme Miller, cofondatrice du gestionnaire de fonds SCM Direct, dans une interview donnée à l’AFP devant le Parlement.

Cette femme de 51 ans a déposé un recours devant la Haute Cour de Londres. Si la décision des juges lui était favorable, elle pourrait retarder pendant de longs mois le processus de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

La Première ministre britannique Theresa May a à cet égard annoncé qu’elle voulait enclencher avant fin mars 2017 la mise en oeuvre de l’article 50 du Traité de Lisbonne, un préalable aux négociations qui doivent durer deux ans maximum avant le divorce final.

« Il ne s’agit pas de savoir si on doit rester ou partir, mais de savoir comment partir », explique Mme Miller.

Même si de nombreux autres dirigeants ou responsables d’entreprise ont émis des critiques sur l’action du gouvernement, elle dit agir seule. « Les gens ont peur de monter au créneau. Des entreprises ont été boycottées. On a vu des choses vraiment pas belles. Mais je ne me laisserai pas intimider car je suis d’avis que tout le monde a besoin d’une certitude juridique ».

– ‘Dictature’ –

Deir Dos Santos, un coiffeur de 37 ans, qui a déposé un recours similaire à celui de Mme Miller, a lui aussi reçu des menaces sur les réseaux sociaux, a déploré auprès de l’AFP son avocat, Dominic Chambers.

Comme beaucoup de sociétés à la City de Londres, le fonds SCM Direct créé par Mme Miller en 2009 est dépendant du « passeport » européen pour accéder sans entrave à l’ensemble du marché de l’UE.

Or, les premiers signes envoyés par le gouvernement britannique, s’orientant vers un Brexit « dur », c’est-à-dire sans compromis, inquiètent beaucoup Mme Miller.

La dirigeante s’était fortement impliquée dans la campagne pour le référendum du 23 juin. Elle se souvient de l’amertume ressentie lorsque le résultat est devenu clair au petit matin.

« Le matin du 24 juin, comme des millions de Britanniques, j’ai éprouvé un mal de ventre épouvantable. Je savais qu’il n’y avait pas de plan. On partait du principe qu’il n’y aurait pas de Brexit. Il n’y avait donc pas de plan A, B ou C. Cela m’a tout de suite inquiétée », confie-t-elle.

Son combat judiciaire, assure-t-elle, n’est pas seulement destiné à préserver ses intérêts mais aussi à garantir la souveraineté du parlement.

« Qu’on court-circuite le Parlement et qu’on laisse un Premier ministre décider de nos droits nous replonge de fait dans une dictature et bafoue 400 ans de démocratie », dénonce-t-elle.