La directive européenne sur le « secret des affaires » adoptée

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AFP

publié le 14 avril

Initiée fin 2013, la directive européenne controversée visant à mieux protéger le secret des affaires, a été adoptée par le Parlement européen par 503 voix contre 131.

La directive européenne sur la protection du « secret des affaires » a été votée à une large majorité jeudi par le Parlement européen, au grand dam de journalistes, de lanceurs d’alertes, d’ONG et de syndicalistes, très remontés à la suite du scandale des « Panama Papers ».

Cette directive, dont le commissaire européen au Marché intérieur, le Français Michel Barnier, avait été l’initiateur fin 2013, vise à instaurer un socle juridique européen pour lutter notamment contre l’espionnage industriel et protéger l’innovation.

Il existe par exemple, explique Le Monde, des savoir-faire industriels qui ont une valeur économique mais qui ne sont pas protégés par le droit de la propriété intellectuelle car non brevetables. Or, poursuit le journal, de nombreux pays européens – dont la France – ne possèdent pas de telle protection juridique, a contrario des Etats-Unis, de la Chine et du Japon.

  • « Promouvoir la confiance des milliers d’entreprises » –

 

Sur les 652 eurodéputés présents à Strasbourg, 503 se sont prononcés en faveur de cette directive, 131 contre et 18 se sont abstenus.

« Lutter contre l’espionnage économique et industriel, le pillage dont sont victimes nos entreprises européennes, protéger notre innovation et notre recherche, défendre notre compétitivité européenne, tels sont les principaux objectifs », avait déclaré mercredi devant ses pairs l’eurodéputée française PPE (droite et centre droit) Constance Le Grip, rapporteuse du projet.

Avec cette directive, « il s’agit de promouvoir la confiance des milliers d’entreprises, la plupart des PME, qui innovent tous les jours », avait aussi plaidé mercredi le commissaire européen à l’Elargissement, l’Autrichien Johannes Hahn.

Selon Constance Le Grip, ce texte « équilibré (…) protège à la fois le savoir-faire professionnel, le patrimoine immatériel des entreprises mais aussi les libertés fondamentales et l’exercice du métier de journaliste et des activités des lanceurs d’alertes ».

– Les opposants inquiets pour les journalistes et les lanceurs d’alertes –

Un point de vue qui n’est pas partagé par de nombreuses organisations syndicales et ONG européennes, inquiètes pour le respect des libertés fondamentales, et qui ont lancé un appel commun pour le retrait du texte. Une pétition, lancée par la journaliste Elise Lucet, a également recueilli près de 530.000 signatures.

Principal reproche de ses détracteurs : la directive européenne « fait porter la charge de la preuve sur les lanceurs d’alerte et pas sur les entreprises », selon Philippe Lamberts coprésident du groupe Verts-ALE.

« Si les journalistes ne peuvent être condamnés pour avoir fait leur travail, alors il faudrait que cela soit expressément écrit dans le texte, or cela ne l’est pas, souligne dans Le Monde l’eurodéputé écologiste français Pascal Durand. En France, cela ira peut-être, mais pensez aux médias en Hongrie, en Pologne ».

Les eurodéputés Verts, très en pointe dans la lutte pour la transparence, écrit Le Monde, étaient vent debout contre ce texte et ont réclamé en vain au moins le report du vote et une directive spécifique pour protéger les lanceurs d’alertes.

« C’est un signal complètement erroné de la part de cette assemblée d’adopter dix jours après les révélations des ‘Panama Papers’ un texte qui de facto va rendre plus difficile la tâche des lanceurs d’alerte et des journaux », s’est emporté Philippe Lamberts juste avant le vote.

– Le lanceur d’alertes Antoine Deltour jugé le 26 avril –

Son adoption survient quinze jours avant l’ouverture du procès, le 26 avril à Luxembourg, du lanceur d’alertes Antoine Deltour, à l’origine des révélations « LuxLeaks ».

Antoine Deltour et deux autres hommes, dont le journaliste français Edouard Perrin, sont inculpés pour avoir divulgué des centaines de documents confidentiels sur le traitement fiscal des multinationales installées au Luxembourg. Ces documents concernaient des rescrits fiscaux accordés par l’administration et négociés par la firme PwC pour le compte de ses clients.