La Voix du Nord
Député européen pendant quinze ans, le maire de Villeneuve-d’Ascq, européen convaincu, président du mouvement Citoyen d’Europe, a suivi avec attention ces semaines de débat pendant lesquelles l’Europe pouvait imploser. Selon Gérard Caudron, la Grèce, dont les banques ont rouvert ce lundi, a eu raison de tenir tête à l’Europe de la finance.
– En fin connaisseur de l’Europe que vous êtes, pensez-vous que ce soit une bonne chose que le Grexit ait été évité ?
« D’évidence, il est bon pour l’Europe que la Grèce soit restée. C’est bon aussi pour l’Europe qu’il y ait eu cette crise ! C’est la première fois depuis que l’Union européenne évolue comme un grand marché, commercial, financier, économique et boursier, qu’une nation remet ces valeurs en question. C’est une Europe pour laquelle, personnellement, je ne me suis pas engagé. De 1989 à 2004, je me suis battu pour qu’elle soit celle d’un ensemble de peuples qui apportent leurs forces et leurs faiblesses, pour une Europe humaine, sociale, culturelle et philosophique. Aujourd’hui, l’Europe que nous connaissons, grande puissance économique où le chômage est pour autant plus élevé qu’ailleurs, est rejetée de tous les peuples. Il fallait un coup d’arrêt à cette Europe-là. C’est la crise grecque qui l’a donné. »
– Comment jugez-vous la partition qu’a jouée le président français pour éviter la sortie de la Grèce ?
« Avant cette crise, j’avais espéré que François Hollande soit celui qui marque le coup d’arrêt. À son élection, on évoquait un axe franco-italien qui pourrait remettre en cause ce système imposant aux États des restrictions qui ont pour conséquence de réduire la croissance, donc les recettes, et qui accroissent par conséquent les déficits. C’est la même spirale que celle que vivent les communes avec la réduction des dotations. On investit moins, on embauche moins, on dépense moins, bref, on fait monter le chômage. Ces dernières semaines, Hollande a joué son rôle en usant de ses bonnes relations avec Angela Merkel : la France a répété à l’Allemagne qu’il fallait y arriver, on y est donc arrivés. Je suis heureux que cet accord ait été trouvé. Je le suis aussi que la Grèce ait mis les pieds dans le plat de cette façon. »
– Vous semblez apprécier Alexis Tsipras…
« Le premier ministre grec fait de la politique autrement. Ce n’est pas un Mélenchon vociférant. Je lui suis reconnaissant d’avoir mené ce bras de fer. L’accord qu’il a signé est difficile à avaler pour son opinion publique : c’est une preuve de courage pour un homme politique de l’avoir signé. Il valait mieux obtenir cet accord que pas d’accord du tout. Il a peut-être été signé avec le pistolet sur la tempe comme on l’a entendu, mais s’il ne l’avait pas fait, cela aurait été une rafale de kalachnikov pour son peuple. Encore une fois, je l’ai trouvé très courageux. »
– Pensez-vous que cette crise fera relâcher la politique d’austérité menée en Europe ?
« En tous les cas elle nous a remis les idées en place. Si les chefs d’État partagent au fond d’eux-mêmes un certain nombre d’évidences mises au clair par la Grèce, j’espère qu’on ira vers un desserrement de l’étau. Après il faut bien analyser ce que l’on vient de demander à la Grèce. Alors que nos gouvernements successifs n’ont toujours pas réglé la question des retraites, on a demandé à ce pays de le faire en une semaine, idem avec son taux de TVA. Il nous revient aussi de nous poser les bonnes questions. On ne peut pas vivre à crédit. »