Hongrie: le tout-puissant Orban essuie une défaite symbolique

AFP 23-02-2015

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Viktor Orban, l’homme qui domine sans partage – et polarise – la politique hongroise depuis 2010, a connu dimanche une défaite symbolique qui fait douter son camp.

Le parti Fidesz au pouvoir « a besoin d’une nouvelle stratégie », a réagi le commissaire européen hongrois Tibor Navracsics, après la perte d’une élection partielle qui prive M. Orban de sa « super-majorité » des deux tiers au Parlement.

Cette majorité qualifiée, dont le dirigeant conservateur bénéficiait depuis son arrivée au pouvoir en 2010, ne tenait qu’à un siège. Elle lui a permis de réformer de façon controversée la Constitution hongroise, et de nommer des proches à de nombreux postes-clé.

Elle a également facilité l’adoption de réformes profondes de la justice, des médias et de l’économie, qui ont été jugées liberticides par l’opposition et largement critiquées à l’étranger.

Réélu triomphalement au printemps dernier, Viktor Orban a depuis chuté fortement dans les sondages, conséquence notamment d’un projet avorté de taxer les téléchargements sur internet, et d’accusations de corruption touchant le Fidesz. De nombreuses manifestations se sont succédé à partir d’octobre dans les grandes villes du pays.

– Un admirateur de Poutine –

M. Orban se voit aussi reprocher sa proximité avec Vladimir Poutine, qu’il a reçu à Budapest mardi 17 février.

Le dirigeant hongrois, régulièrement accusé de dérives autoritaires et populistes, cite la Russie comme un modèle de « démocratie non libérale » et ne cache pas son admiration pour le président russe.

Or l’opinion hongroise, y compris les électeurs du Fidesz, est fortement attachée à l’ancrage occidental et européen du pays. Et la veille de la visite du chef du Kremlin, 2.000 personnes ont défilé à Budapest aux cris de « Oui à l’Europe, non à Poutine ».

La défaite à la partielle de Veszprem (ouest) contre un candidat indépendant soutenu par la gauche n’indique toutefois « pas un effondrement du parti », souligne pour l’AFP l’expert Csaba Toth.

Le Fidesz et son petit allié, le parti chrétien-démocrate, conservent une très large majorité. L’opposition de gauche reste divisée, et l’extrême droite du Jobbik ne profite pas des difficultés du parti au pouvoir.

M. Orban a réagi a minima au scrutin, écrivant sur sa page Facebook qu’il respectait le choix des électeurs de Veszprem et que « nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers ».

– Le Fidesz garde le contrôle –

Il s’était efforcé par avance de limiter l’enjeu du vote, affirmant qu’il n’avait pas de projet législatif requérant une « super-majorité » pour les trois ans de mandat qui lui restent. Tous les analystes notent d’autre part que le Fidesz pourra encore facilement réunir, en cas de besoin, des « super-majorités » de circonstance au Parlement.

Le Fidesz garde le contrôle, mais le résultat de Veszprem a « une importance symbolique énorme », juge toutefois pour l’AFP la politologue Kornelia Magyar.

Selon elle, « il est clair que quelque chose a changé dans la société depuis octobre. Le Fidesz a réagi en tentant de dominer l’agenda politique avec des thèmes conservateurs, comme la fermeture des magasins le dimanche, ou une rhétorique de plus en plus hostile aux immigrés. Cela a permis de ralentir sa baisse de popularité, mais pas de renverser la tendance ».

Le blogueur conservateur Akos Balogh, interrogé par l’AFP, demande « une rectification » de la part du Fidesz: « Le parti pourrait décider de devenir moins agressif, mais cela sera difficile parce que la confrontation est dans l’identité du parti, et que cette stratégie a longtemps fonctionné ».

Magyar Nemzet, le porte-étendard des journaux pro-Orban, invite lundi Viktor Orban à rebondir sur « l’échec » de Veszprem.

« Le premier ministre a le pouvoir de corriger les politiques du gouvernement et d’opérer un changement personnel », écrit l’éditorialiste du quotidien: « Il a intérêt à le faire, parce que l’érosion du soutien au Fidesz donne matière à réflexion ».